Mission Mauritanie

Action humanitaire en ADRAR MAURITANIE et divers sujets liés à des initiatives en Afrique ou dans le monde.

mardi, mai 30, 2006

"Palabres africaines"

Association humanitaire "Liberté par les chamelles"

C’est la nuit déjà.

SouvenirA l’intérieur de la résidence ou nous sommes hébergés, une bougie éclaire vaillamment la pièce centrale ou sont posées quelques nattes. C’est l’heure de la palabre, ou les grandes ombres projetées sur les murs semblent immobiles : en effet Tijani, assis en tailleur ne bouge pas. Il parle un bon français. Il travaillait dans les pècheries de Nouadhibou ; il est au chomage ; on ne sait comment il parvient à nourrir sa famille ; il a la fonction de garde champètre : c’est lui qui annonce les horaires de nos consultations.

Toute l’après midi, il a servi d’interprète pour Yvette et Nicole, nos « spécialistes en haute couture », auprès de la couturière du village, qui l’accompagne ce soir ; elle a une dernière requète à présenter : en dehors des coupons de tissus que la mission lui fournit, elle désire que Monsieur Chardon lui procure une machine à coudre. Notre responsable ne peut s’engager. Comme à regret, prenant le temps d’un au revoir, bientôt ils nous quittent.

Arrivent Baba et Lejna son épouse qui porte son bébé. Ils s’assoient en tailleur sur la natte et posent l’enfant à terre. Baba a un visage biblique, encadré de barbe noire fournie, il est jeune , peut ètre 25 ans, il porte une djellaba bleue et un chèche (haouli) blanc, qui allongent sa silhouette lorsqu’il marche. Lejna a un joli visage régulier, brun foncé, encadré d’un voile rose. Elle semble nerveuse et ne sourit pas. C’est elle qui dirige une crèche d’enfants que notre association soutient par la fourniture d’aliments pour la bouillie quotidienne, par l’achat de chèvres qui donnent le lait, et par l’apport de jeux éducatifs et de vètements.

« Que veux-tu, Lejna ? ». Posément, Baba se fait son interprète en français : la fin du mois est loin, et Lejna n’a plus de réserve. Monsieur Chardon explique qu’il a fourni des quantités correspondant à 40 enfants, mais que des visites inopinées ont révélé la présence de 15 enfants seulement. « Ou va la différence ? ».Lejna explique qu’elle fournit l’excédent à sa famille, à des voisins et que les enfants sont parfois absents sans prévenir.

Est-ce controlable ? Monsieur Chardon lui reproche de ne pas intéresser suffisamment les enfants, de les laisser dans leur coin sans les distraire pendant que les mères prennent le thé en papotant et que cela explique la faible fréquentation. Pour ne vexer personne, il prend pour prétexte du faible nombre de participants pour stopper cette action au moins provisoirement. Lejna recevra des conseils de femmes ayant une expérience de cette activité, et d’ici quelque temps on avisera si l’on peut reprendre notre aide.

Indifférent, le bébé joue avec un crayon et rampe sur la natte de l’un à l’autre : de son visage, on ne distingue que ses immenses yeux noirs qui fixent son entourage et dans lesquels dansent les reflets de la bougie.
Monsieur Chardon les raccompagne dans la nuit sans lune : « Ma femme n’est pas faite pour cela » convient Baba.